La Cour de cassation valide définitivement le « barème Macron »

jeudi 02 juin 2022

Depuis 2017, l’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit une « barèmisation » du montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, exprimée en mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté du salarié mais également de l’effectif de l’entreprise.


L’application de ce barème a suscité une vive résistance de certains juges, qui l’estimaient contraire à la Constitution et aux engagements internationaux de la France.


Très récemment, dans deux arrêts du 11 mai 2022, la Cour de cassation a tranché en faveur de l’application de ce barème.


Le principe du barème


Avant 2017, le coût d’une requalification d’un licenciement en licenciement abusif par le juge ne pouvait être anticipé par l’employeur tant les décisions des Conseils de prud’hommes étaient susceptibles de varier.


Cette imprévisibilité du niveau d’indemnisation qui pouvait être accordé au salarié créait une grande insécurité juridique.


Par une ordonnance du 22 septembre 2017, le législateur est venu encadrer le montant de l’indemnité accordée au salarié lorsque son licenciement est requalifié par le juge en licenciement sans cause réelle ni sérieuse.


Cet encadrement consiste en la fixation d’un quantum minimum et maximum d’indemnisation qui varie en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et de la taille de l’entreprise.


A titre d’exemple, pour une entreprise d’au moins 11 salariés, le salarié licencié de manière abusive cumulant 5 ans d’ancienneté a droit à une indemnité comprise entre 3 et 6 mois de salaire brut.


Par exception, le barème ne s’applique pas lorsque le licenciement est entaché d’une des nullités énoncées à l’article L. 1235-3-1 du Code du travail, notamment en cas de licenciement en violation d’une liberté fondamentale, du licenciement d’un salarié protégé en raison de l’exercice de son mandat ou encore d’un licenciement consécutif à des faits de harcèlement moral ou sexuel.


La contestation du barème


L’application du barème a été régulièrement contestée devant les juges qui s’y sont parfois opposés au motif qu’elle ne permettait pas d’indemniser entièrement le salarié, en les privant de leur pouvoir d’appréciation.


Cette saga judiciaire a donné lieu à de nombreuses décisions favorables à l’application du barème :


En 2018, le Conseil constitutionnel a donné raison au législateur en déclarant le dispositif conforme à la Constitution. La Cour de cassation a été saisie d'une demande d'avis et l'Assemblée plénière s'est prononcée le 17 juillet 2019 pour l’application du barème.


La position de la Cour de cassation


Très récemment, par deux arrêts très attendus du 11 mai 2022, la Cour de cassation a confirmé sa position.


Elle fixe la ligne à suivre par les juges prud'homaux : le « barème Macron» doit être appliqué !


La Haute juridiction l’a déclaré conforme aux engagements internationaux de la France en ce qu’il garantit un niveau d’indemnisation adéquat. Elle a ainsi interdit toute appréciation « in concreto » par les juges du fond, en insistant sur le fait qu’un tel contrôle reviendrait pour le juge français à choisir d’écarter le barème au cas par cas, et que cela « créerait pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable, qui serait susceptible de changer en fonction de circonstances individuelles et de leur appréciation par les juges » et « porterait atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi, garanti à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme », estime la haute juridiction.


Ces décisions s’imposent aux juges. Les Conseils de prud’hommes et les Cours d’appel ont donc l’obligation d’apprécier le montant de l’indemnité pour licenciement abusif versé au salarié à l’aune du barème légal.


En pratique cependant, le fait que l’application du barème puisse être écartée s’il est rapporté la preuve d’un licenciement entaché d’une nullité telle que la violation d’une liberté fondamentale risque d’inciter les syndicats et les avocats à rechercher des approches alternatives ou à multiplier les demandes pour compléter le niveau d’indemnisation du salarié.


Longtemps contesté devant les Conseils de prud’hommes en raison des restrictions qu’il impose à leur liberté d’appréciation, le « barème Macron » semble avoir définitivement vaincu ses détracteurs par deux arrêts de la Cour de cassation du 11 mai 2022 qui confirment sa conformité aux engagements internationaux de la France et prohibent l’appréciation « in concreto » du niveau d’indemnisation du salarié en cas de licenciement abusif, en imposant le respect du barème