L’accord de performance collective : multiples possibilités et multiples risques

lundi 02 novembre 2020

Issu de l’ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective, l’accord de performance collective (APC) constitue un outil innovant qui permet aux entreprises de s’adapter rapidement aux évolutions du marché.

De vastes possibilités strictement encadrées

L’APC doit préciser dans son préambule qu’il est destiné à répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise ou à préserver ou développer l’emploi. Il peut prévoir des mesures portant sur trois domaines énumérés à l’article L.2252-4 du Code du travail : l’aménagement de la durée du travail des salariés, l’aménagement de leur rémunération et la détermination des conditions de leur mobilité professionnelle ou géographique au sein de l’entreprise. L’APC ne doit pas nécessairement contenir des mesures dans chacun de ces domaines, il peut ne concerner qu’une seule catégorie de salariés ou un seul établissement.

Alors que cette liste n’était pas limitative à l’origine et permettait aux entreprises d’harmoniser d’autres aspects du statut collectif, le ministère du travail semble adopter une position plus restrictive dans ses questions et réponses du mois de juillet 2020, en précisant que cette liste est exhaustive.

Un APC peut augmenter ou réduire la durée hebdomadaire ou quotidienne de travail ou prévoir une nouvelle répartition des heures travaillées. Il peut également mettre en place ou modifier un aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine ou créer ou modifier un dispositif de forfait annuel.

Un APC peut harmoniser les règles de rémunération, en modifier la structure ou le taux de majoration des heures supplémentaires, sans toutefois être inférieur à un taux de majoration de 10% pour les heures supplémentaires et au SMIC ou aux salaires minima conventionnels.

Un APC peut enfin prévoir une mobilité professionnelle ou géographique des salariés même en l’absence de clause de mobilité dans les contrats de travail.

L’accord doit être conclu avec une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli plus de 50% des suffrages exprimés avec, s’ils en ont recueilli au moins 30%, une validation par un referendum majoritaire. En l’absence de délégué syndical, l’accord doit être conclu en priorité avec les membres du CSE et, dans les entreprises dépourvues de CSE, avec les salariés à la majorité des 2/3 dans un délai de 15 jours.

L’accord est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée et, à défaut de stipulation, pour une durée de 5 ans.

Le salarié dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer à compter de la communication par l’employeur de l’accord. S’il l’accepte, ces stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de son contrat de travail. En cas de refus écrit, l’employeur peut le licencier, ce licenciement reposant sur un motif spécifique constituant sur une cause réelle et sérieuse.

Un accord source de litiges potentiels

L’APC peut comporter des dispositions contraires au contrat de travail, mais les mesures mises en place doivent rester dans les limites fixées par le Code du travail.

Les organisations syndicales signataires peuvent demander la nullité de l’accord dans un délai de deux mois à compter de la notification de l’accord aux organisations syndicales conformément à l’article L.2262-14 du Code du travail.

La validité de l’accord dépendra de la légitimité de ses motifs et des contreparties et / ou garanties offertes aux salariés, surtout en cas de dispositions plus contraignantes pour eux que les dispositions conventionnelles ou contractuelles antérieures.

Le salarié licencié en raison de son refus de signer l’APC peut lui aussi en contester la validité. Le juge vérifiera alors si l’accord est conforme aux dispositions légales applicables, à défaut le licenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse. S’agissant des salariés protégés, l’autorisation préalable de l’inspection du travail reste nécessaire en cas de refus de l’accord.

Le refus de l’APC constituant un motif spécifique de licenciement, la tentation peut être forte de proposer un accord dont l’on sait qu’il va être refusé par les salariés, afin de pouvoir les licencier sans passer par la procédure de modification des contrats de travail et par une procédure de licenciement pour motif économique. Un tel comportement est constitutif d’un abus de droit qui peut également constituer un délit d’entrave.

Enfin, en matière de forfait annuel en jour ou en heures, celui-ci, même s’il est mis en place par un APC, doit faire l’objet d’une convention individuelle de forfait proposée à chaque salarié concerné, sachant que le refus du salarié de cette convention ne peut entraîner aucune sanction disciplinaire, ni licenciement. Il est donc nécessaire de bien préciser que le licenciement est motivé par le refus de l’APC et non par le refus de la convention individuelle. De plus, l’administration précise que si le salarié accepte l’accord mais refuse la convention aucun licenciement ne semble possible.

L’APC, par son effet suspensif des dispositions contraire du contrat de travail et son vaste éventail de mesures possibles, est un outil extrêmement intéressant. Il est cependant nécessaire de veiller à respecter aussi bien les règles concernant le contenu (domaine des mesures et respect des dispositions du Code du travail), que celles concernant la forme, afin d’éviter des litiges.