Les cadeaux d'affaire

lundi 02 novembre 2020

La lutte contre la corruption fait partie des objectifs de la loi du 9 décembre 2016 n° 2016-1691 dite loi Sapin II. Dans ce cadre, l’Agence Française Anticorruption (AFA) a été créée et les entreprises employant au moins 500 salariés, ou appartenant à un groupe dont la société-mère a son siège social en France avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, sont tenues de prendre les mesures destinées à prévenir et à détecter les faits de corruption ou de trafic d’influence en France ou à l’étranger. Ce dispositif conduit à mieux encadrer la politique des cadeaux et invitations de l’entreprise, dits « cadeaux d’affaires ».

Il est cependant pertinent de mettre en place une politique de cadeaux d’affaires quelle que soit la taille de l’entreprise. En effet, si offrir ou recevoir des cadeaux et invitations constitue, dans la vie normale des affaires, une pratique courtoise ou commerciale courante et en principe légale, cette pratique peut dans certains cas être assimilée à de la corruption, du trafic d’influence, de l’abus de bien social ou une pratique anticoncurrentielle.

La mise en place d’une politique de cadeaux d’affaires permet donc à l’entreprise de maitriser les risques inhérents à une telle pratique. L’AFA a publié un guide pratique en septembre 2020 précisant les éléments à prendre en compte pour s’assurer de leur légalité.

Un encadrement réglementaire des cadeaux d’affaires

La politique de cadeaux d’affaires doit prévoir des règles permettant de déterminer si le cadeau peut être offert ou accepté et mettre en place des procédures de contrôle et d’autorisation.

Les règles mises en place peuvent varier selon qu’il s’agisse de cadeaux ou d’invitations et des subdivisions sont mêmes possibles selon le type de cadeaux ou d’invitations. Elles peuvent aussi varier selon les fonctions exercées et selon le pays.

Pour déterminer s’il y a corruption le juge examine 3 points en particulier : la finalité du cadeau, sa valeur et la fréquence.

C’est la finalité du cadeau qui permet de qualifier un acte de corruption (ou de trafic d’influence) : si celui-ci est offert afin d’obtenir l’accomplissement ou le non-accomplissement d’un acte en méconnaissance des obligations du bénéficiaire il y a corruption active. Si celui-ci est accepté ou sollicité dans le même objectif il y a corruption passive. Lorsque le destinataire du cadeau est un agent public il y a alors trafic d’influence (actif ou passif).

En plus de formellement interdire toute offre ou acceptation ayant cette finalité, il est possible de dresser une cartographie des risques, afin d’inclure des situations où, en raison du fort risque, l’offre ou l’acceptation de cadeaux est strictement encadrée ou interdite, notamment, lorsque le cadeau est offert avant une prise de décision importante au décisionnaire ou à l’un de ses proches, ou lorsque le cadeau se fait sous la forme d’espèces ou d’éléments convertible en espèces (chèques-cadeaux).

S’agissant de la mise en place de règles relatives à la valeur du cadeau ou de l’invitation, deux options sont envisageables :

Soit fixer un montant chiffré ou une fourchette de prix au-dessus duquel il n’est pas possible d’offrir ou d’accepter le cadeau, ce qui a l’avantage d’être facilement compréhensible mais l’évaluation de la valeur du cadeau est parfois difficile.

Soit, utiliser des qualificatifs tels que « symbolique » ou « raisonnable » pour déterminer les cadeaux acceptables, mais cette méthode est assez imprécise et il est dans ce cas préférable de prévoir des illustrations adaptées et pertinentes.

Enfin, le fait d’offrir plusieurs cadeaux même de faible importance sur une période déterminée peut constituer un risque. Il est donc utile de fixer un nombre maximum de cadeaux pouvant être acceptés ou offerts pendant une période déterminée.

La mise en place de procédures internes

Elément essentiel de l’engagement de l’entreprise dans la lutte contre la corruption, la politique de cadeaux d’affaires doit s’appliquer à l’ensemble des personnes exerçant leurs fonctions au sein de l’entreprise y compris les mandataires sociaux.

Par souci d’efficacité, elle doit être portée à la connaissance du plus grand monde. Il est possible d’étendre son champ d’application à certains tiers de l’entreprise, notamment les intermédiaires.

Plusieurs types de procédures internes peuvent être mises en place, notamment une procédure de demande d’autorisation hiérarchique ainsi qu’une procédure de déclaration des cadeaux.

Il est possible de prévoir que l’offre ou l’acceptation de tous les cadeaux ou de seulement ceux dépassant une certaine valeur est subordonnée à l’autorisation par le supérieur hiérarchique. Cela permet de s’assurer du respect des règles de fond et en particulier qu’un tiers n’a pas reçu ou offert à l’entreprise un trop grand nombre de cadeaux sur une période déterminée.

Concernant la procédure de déclaration des cadeaux offerts et acceptés, l’enregistrement des cadeaux et invitations (sur un registre spécifique par exemple) contribue à la transparence de l’entreprise et permet de s’assurer que les conditions de légalité ont été respectées.

La politique des cadeaux d’affaires doit permettre à toute personne concernée de savoir si elle peut offrir ou accepter le cadeau en se basant sur les circonstances du cadeau (sa finalité), sa valeur et sa fréquence, et si besoin en en consultant son supérieur hiérarchique. L’offre et l’acceptation du cadeau doit se faire en toute transparence afin d’en faciliter le contrôle hiérarchique et comptable.