Le dirigeant caution personnelle

jeudi 10 mars 2022

Dans la pratique des affaires, il est courant qu’un créancier, généralement établissement bancaire, exige du dirigeant de son débiteur qu’il garantisse une ou plusieurs dettes de ce dernier.


Le droit du cautionnement a été récemment modifié par l’ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 dont les dispositions, entrées en vigueur le 1er janvier 2022, ne s’appliquent qu’aux actes de cautionnement conclus à compter de cette date (et non aux actes conclus antérieurement).


Définition légale du cautionnement


L’article 2288 alinéa 1er du Code civil, dans sa nouvelle rédaction, dispose que « Le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ».


Nature du cautionnement pour les actes conclus avant le 1er janvier 2022


Par principe, le cautionnement est un acte civil.


Toutefois, la jurisprudence pose que lorsque le dirigeant s’engage envers un établissement financier à garantir, en qualité de caution personnelle une ou plusieurs dettes de la société commerciale qu’il dirige, l’acte de cautionnement est un acte de commerce.


Le cautionnement revêt également la nature d’acte de commerce lorsque la caution, même non dirigeant, a un intérêt personnel patrimonial dans l'opération pour laquelle elle consent sa garantie.


Ainsi peut être qualifié d’acte de commerce le cautionnement consenti par un associé non dirigeant, par exemple lorsque cet associé détient avec son conjoint 50 % des parts sociales de la société familiale et qu’il tire ses revenus de l’activité de cette société (Cass, com, 7 avril 2004 n°02-12.954). De même que le cautionnement accordé par le conjoint du dirigeant peut revêtir une nature commerciale lorsque ce conjoint participe de manière effective à la gestion de la société et qu’il poursuit un intérêt personnel indépendant de sa simple qualité d’associé (Cass, com, 11 juin 1976 n°74-13.714).


Nature du cautionnement pour les actes conclus à compter du 1er janvier 2022


Cette notion d’intérêt patrimonial personnel est abandonné par l’ordonnance portant réforme du droit des sûretés.


Désormais, l’article L110-1 du Code de commerce dispose que « La loi répute actes de commerce : (…) 11° Entre toutes personnes, les cautionnements de dettes commerciales ».


Dans le Rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance portant réforme du droit des sûretés, la disparition de cette notion vise « un objectif de bonne administration de la justice, en permettant que le tribunal de commerce soit saisi à la fois du contentieux relatif à la dette principale et de celui relatif au cautionnement ».


Ainsi, les cautionnements consentis à compter du 1er janvier 2022 pour garantir les dettes d’une société commerciale sont réputés constituer des actes de commerce.


Conséquences de la nature commerciale du cautionnement


Les enjeux de la nature commerciale d’un cautionnement sont au nombre de trois.


D’une part, les litiges relatifs à la conclusion, à l’exécution et au terme d’un cautionnement de nature commerciale doivent être portés devant le Tribunal de commerce. Le Tribunal judiciaire n’a donc pas compétence pour connaître de ces litiges.


D’autre part, la solidarité est présumée s’agissant des actes de cautionnement de nature commerciale.


Enfin, lorsqu’un acte de cautionnement est conclu « dans le cadre de [l’] activité professionnelle » de la caution (art. 2061 du Code civil), sont jugées valables les clauses compromissoires qui y sont stipulées. Ainsi, les parties au contrat peuvent valablement prévoir le recours à l'arbitrage. Ce même article du Code civil dispose que lorsque la caution, à qui on oppose son engagement, n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, « la clause [compromissoire] ne peut lui être opposée ».


Gageons qu’avec l’entrée en vigueur de la réforme du droit des sûretés, la question de la compétence du Tribunal pour connaître de l’action d’un créancier professionnel à l’encontre d’une caution garantissant une ou plusieurs dettes commerciales fera plus rarement débat. Une plus grande sécurité juridique sur ce point était souhaitable.