COVID-19 et difficultés de paiement des loyers et charges des baux commerciaux

mercredi 09 septembre 2020

Des entreprises aux activités arrêtées ou ralenties du fait du COVID-19 ayant voulu suspendre leur paiement de leurs loyers ont été menacées de résiliation par leurs bailleurs. Des dispositions protectrices existent toutefois, avec certaines limites.

En cas de non-paiement du loyer et/ou des charges, le bail commercial prévoit généralement que le bailleur pourra résilier le bail, cette clause résolutoire ne pouvant prendre effet que 1 mois après un commandement de payer (mentionnant ce délai) demeuré infructueux.

En cas de non-paiement durant la crise sanitaire, les preneurs à bail commercial sont néanmoins protégés de la mise en œuvre de la clause résolutoire de leur bail commercial par deux ordonnances du 25 mars 2020 (l’ordonnance n°2020-316 sur le paiement des loyers et factures d’eau, de gaz, et d’électricité et l’ordonnance n°2020-306 sur la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire).

Les deux ordonnances prévoient une inapplicabilité des clauses résolutoires pendant la crise sanitaire. L’ordonnance n°2020-316 ne protège que les entreprises ou professionnels éligibles au fonds de solidarité ou qui font l’objet d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaires). L’ordonnance n°2020-306 s’applique de façon générale sans critère d’éligibilité.

Dispositions protectrices

La protection de l’ordonnance n°2020-316 s’applique aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de 2 mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 11 septembre 2020 (l’état d’urgence ayant été étendu au 10 juillet 2020 inclus).

Pour les termes de loyers et charges arrivant à échéance entre le 12 mars et le 11 septembre 2020, le bailleur ne pourra pas envoyer de commandement de payer indiquant que la clause résolutoire du bail sera mise en œuvre en cas de non-paiement, non plus qu’actionner les cautions ou mettre en œuvre les éventuelles garanties prévues au bail.

La protection de l’ordonnance n°2020-306 porte sur une période plus courte et n’est que temporaire : elle prévoit seulement un report de l’application de la clause résolutoire pendant une période comprise entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus. En outre, le bailleur n’est pas empêché d’actionner les cautions ou de mettre en œuvre les éventuelles garanties prévues au bail.

Limites de la protection

Les mesures d’urgence prises par le Gouvernement ne suspendent pas les obligations de payer. Par conséquent, les loyers des baux commerciaux restent exigibles (d’autant plus qu’il est difficile d’invoquer la force majeure) et rien n’empêche les bailleurs de choisir la voie judiciaire contre les impayés.

Ainsi, le bailleur peut intenter contre le preneur une action en paiement du loyer impayé ou demander l’octroi d’une provision (sous réserve que le juge considère l’obligation de paiement du loyer comme non sérieusement contestable), étant précisé que le juge, en considération de la situation du preneur et des besoins du bailleur, peut décider de reporter ou d’échelonner le paiement des sommes dues sur une période pouvant aller jusqu’à 2 ans.

Le bailleur peut recourir en justice à d’autres voies applicables à tous les contrats en cas d’inexécution de ses obligations par une partie : refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation (par exemple s’il était prévu qu’il exécute certains travaux), demander au juge de résilier le contrat. Il peut également faire pratiquer une mesure de saisie conservatoire par un huissier de justice à condition d’assigner le preneur en justice dans le mois suivant la saisie pour obtenir un titre exécutoire (sinon la saisie est caduque)

Le bailleur pourrait aussi agir de façon plus indirecte en utilisant les dispositions relatives au bail commercial lui permettant de refuser le renouvellement (sans être tenu au paiement d’aucune indemnité) en invoquant un motif grave et légitime, si le non-paiement s’est poursuivi ou renouvelé plus de 1 mois après mise en demeure du preneur par le bailleur de faire cesser ce manquement. La gravité du manquement apparaît toutefois discutable en situation de crise sanitaire comme celle du COVID-19.

Négociation de l’échelonnement des paiements

Dans un communiqué de presse du 20 mars 2020 relatif à la mesure de suspension des loyers au bénéfice des TPE et des PME, les associations et fédérations représentatives des bailleurs ont appelé leurs adhérents à reporter les loyers et les charges des TPE et PME à partir du 1er avril 2020 et, à la reprise d’activité, à différer les paiements sans pénalités ni intérêts de retard. Le preneur en difficulté pour le paiement de son loyer et de ses charges pourrait se prévaloir de cet appel pour demander à son bailleur un échelonnement des paiements, avec des éléments comptables à l’appui.

En cas difficultés de paiement de son loyer par le preneur en période de crise sanitaire liée au COVID-19, le bailleur peut être empêché résilier le bail par les ordonnances du 25 mars 2020. Le preneur peut de son côté tenter de renégocier les délais de paiement, sachant qu’en tout état de cause son bailleur peut toujours recourir à des mesures judiciaires pour obtenir son loyer ou une compensation.